Je vous invite à chiner ?
Option Auto n°265 (Décembre 2023 / Janvier 2024)
Option Auto n°265 (Décembre 2023 / Janvier 2024)
Plus je vieillis et prends du recul sur mes actions, plus je trouve nos dirigeants primesautiers. Comme vous qui payez vos impôts -je vous le souhaite- et circulez sur nos routes, je subis les décisions incohérentes des gouvernements successifs. Et me dis que si nous avions, salariés et entrepreneurs, enchaîné autant de mauvaises idées et de revirements, nous aurions déjà tous été virés ou déposé le bilan. C’est pourtant la situation dans laquelle se trouve le bateau France en 2023, avec une dette inégalée quand l’Irlande et le Portugal, il y a dix ans lanternes rouges de l’Europe, sont récemment repassés excédentaires. Inutile d’aborder les sujets empiriques, éducation, citoyenneté et laïcité en tête : je serais susceptible de m’emporter, mes mots dépasseraient ma pensée et ça finirait par fâcher… Concentrons-nous sur le seul problème du transport avec lequel nous aurions déjà de quoi alimenter une douzaine de dîners de cons. Arrêter l’essence et rouler en diesel ? Dont acte. Des centaines de millions de filtres à particules plus tard, volte-face. Alors que toute l’industrie hexagonale se façonne autour du mazout au point d’en devenir experte incontestée, cap sur l’électrique. Dont on ne connait pas grand-chose (pardon, j’oublie les Ion et Saxo…) sinon que son réseau est inexistant et surtout, si elle correspond aux besoins du chaland. Ce fameux client, le gueux du dernier kilomètre, qui subit et paie en silence de peur de se faire taper sur les doigts. La fée électrique donc… Qu’on utilise en additif sur des hybrides alourdis annoncés bientôt taxés au poids. Des engins agrandis pour loger des batteries majorées pour aller plus loin, surélevés pour profiter d’un plancher sandwich, qui prennent plus de place en ville où les solutions de recharge manquent et le stationnement sera surtaxé. On pourrait clamer qu’on tape les riches mais pour une fois, c’est sur notre pauvreté d’esprit qu’on capitalise. Notre cruel manque d’inspiration.
Ne créons pas de richesse, ponctionnons celles qui nous restent. Et dans les dîners mondains où l’Intelligentsia prépare votre avenir sans vous convier à la fête, le sujet chinois d’arriver sur la table. Quand on parle de la Chine, je ris jaune… L’importation de véhicules orientaux permet aux Français de s’équiper quand les constructeurs locaux sont incapables de proposer le meilleur produit au meilleur prix ? Peut-être alors serait-il temps de leur lâcher la bride. La diabolisation, on devrait le savoir, est le terreau des extrémismes. La mise en garde suscite l’intérêt et l’interdiction la frustration. On se rue sur le Made in China pour le Black Friday mais refusons le bonus à l’Empire du Milieu sous couvert de concurrence déloyale. Discutable puisque faiblement argumentée : si on leur reproche de fabriquer mieux et moins cher, le marché mondial libre devrait rendre leur action légitime. À moins qu’on continue à jouer sur l’idée selon laquelle leurs autos sont fabriquées par des enfants payés au lance-pierres ? Si tel est le cas, doublons nos remarques d’effets et agissons pour tous plutôt que contre une minorité : faisons venir MG, Cherry et autre BYD en leur ouvrant nos bras.
Proposons-leur des terrains enclavés, sortons la ruralité de son isolement et valorisons nos savoir-faire. Demandez aux Valenciennois ce qu’ils pensent de Toyota… Les Japonaises des Hauts-de-France sont plus françaises que nos Tricolores sorties d’Espagne, de Slovaquie ou de Roumanie. Même combat pour les SUV allemands et autres Tesla qui débarquent chez nous -allez, on parle de transport maritime ?- depuis les états-Unis ou la Chine. Un constat : la plupart des nouveautés excitantes qui sont proposées à la rédaction depuis deux ans sont soutenues par des capitaux orientaux. Vous aimez les Volvo ? Engins respectables -à raison- aux selleries recyclées qui font rêver les familles végan ? Plus vraiment suédois. Rêvez d’Aston Martin, pinacle de l’élégance anglaise ? Grignotée par Geely qui profite, pour l’anecdote, des règles étouffantes de Bruxelles sur les rejets de CO2, maltraitant les firmes sportives. Les Lotus sont produites à Wuhan mais pensées en Europe. Et croyez-moi sur parole, elles sont mieux assemblées aujourd’hui que du temps d’Ethel. MG fait le bonheur d’un réseau qui dépasse désormais 160 concessionnaires, lesquels n’auraient que leurs os à ronger s’ils se cantonnaient (tiens-tiens…) aux historiques. La mémoire est sélective : plus personne ne cite la Corée du Sud dont les respectables Hyundai et Kia étaient autrefois montrés du doigt. Je ne sais pas si nous roulerons tous demain au rythme de l’Asie, mais je sais que pour tuer son chien, le plus simple consiste à lui diagnostiquer la rage. Passez quelques heures aux puces de Saint Ouen le dimanche matin. Des vieux objets, pas mal de mauvais « coûts » vendus par des margoulins. Et des centaines de trésors protégés par d’éminents experts. Au-delà d’alimenter l’économie circulaire, chiner pourrait avoir du bon pour la santé mentale…
Frédéric Lardenois