DEKOIKONKAUZ ?

Option Auto n°261 (Avril / Mai 2023)

J’ai beau chercher, m’irriter le cuir chevelu et me tripoter le menton pour singer le recueillement, je peine. Pire, je sèche, et j’admets volontiers que c’est un cas rare. Même si l’accouchement se fait parfois aux forceps, je finis toujours par dépoter mon billet d’humeur au gré des discussions au sein de la rédaction, des nouvelles rencontres ou de l’actualité. Comme les hebdomadaires d’information générale possèdent leurs marronniers -le salaire des cadres, la franc-maçonnerie, la perte de poids avant l’été pour ne pas ressembler, en maillot, à une rosette de Lyon boudinée dans son filet-, j’ai mes moments clefs et mes valeurs refuge. Les vacances estivales sont pour moi l’occasion de vous les souhaiter bonnes et réparatrices, Option Auto spécial Road Trip entre les mains sur une plage ensoleillée, les enfants s’époumonant joyeusement après leur jokari… Les fêtes de bonne année sont un appel à la ripaille en famille, mais « faites gaffe quand même à pas vous infliger une crise de foie parce que manger bouger, c’est important même que pour vos déplacements sans polluer vous devriez penser à covoiturer »… J’ai aussi l’alternative rentrée des classes/reprise du travail, en mode c’était mieux avant mais haut les coeurs, l’avenir est radieux/le soleil brille/l’automne est d’autant plus poétique qu’il annonce l’hiver, la neige et les cadeaux de Noël : le parfait alibi pour zapper les impôts et le dernier tiers dont vous savez pertinemment que comme certains jeux scabreux, c’est celui qui fait le plus mal.

Des pirouettes donc, dont je ne pourrai plus me servir maintenant que je me suis trahi, mais qui m’ont toujours évité de galérer pour trouver le fil sur lequel tirer à chaque fois qu’introduire notre nouvel opus s’est présenté. J’aime le rendez-vous, mais pas la contrainte liée à sa mise en place. Adore vous retrouver à date fixe, mais pas de me faire des nœuds au cerveau pour la respecter, le choc entre synapses me coûtant chaque année plus cher. Parce que pour la fine bouche, et notez d’ailleurs que si j’avais raclé les fonds de tiroirs j’aurais dévidé tout l’enrouleur sur ce sujet anodin, le bouclage de ce numéro tombe immanquablement le jour de mon anniversaire. Et qu’à un moment, j’apprécierais de le passer à la maison plutôt que devant un peu loquace quoique esthétique camarade en aluminium conçu à Cupertino…

De fait, en 2023, j’ai voulu prendre de l’avance. Pris des notes, ce qui m’a autant fait rire que peur, l’action étant pour moi révélatrice d’une mémoire défaillante. J’ai spéculé sur les sujets qui me tenaient à cœur et les ai classés selon l’ordre dans lequel j’aurais pu vous les servir. Et me suis aperçu, déçu puis paradoxalement remonté, qu’aucun n’aurait voix au chapitre. Comprenez qu’avoir le droit (le moi perso) ou l’autorité (le moi pro) de donner son opinion, aujourd’hui, nous met face aux limites sans cesse plus ténues de la tolérance de l’autre. Et pourtant, des absurdités, j’en entends plus que mon cortex ne peut en absorber, le contemporain osant se répandre comme il ne l’aurait jamais tenté jadis le tout, miracle de l’hypocrisie, sur « lie » de puritanisme dégoulinant. Léger, j’aurais pu parler de la dérive vestimentaire urbaine prônant le jogging/baskets plutôt que le jean/tatanes de cuir. Matez un documentaire de l’INA sur Paris sous de Gaulle, vous n’y verrez personne sans galurin et c’était autrement classieux… Le dossier urbanisme étant ouvert, j’aurais pu parler de Paris, l’une des plus belles villes du monde (chauvin, moi ? Visitez Chisinau ou Le Caire sans pyramides et on se reparle), devenue sale et malodorante avec des trottoirs impraticables et des rues insalubres au point que les rats seront bientôt les seuls résidents capables de s’acquitter d’une taxe foncière en hausse. Sauf que ça me forcerait à parler de la raison pour laquelle les poubelles se répandent, donc des retraites, donc de la récupération qu’en font les politiques et in fine, devrais vous dire que la seule chose à laquelle je refuse de me soumettre, c’est leur connerie. Aussi, je biffe et saute une ligne. « Litre d’essence trop cher ». Nous qui ne consommons que du 98 toujours plus cher sommes bien touchés par la pantalonnade : GT3 RS, AMG GT ou Range Sport des pages suivantes ne se nourrissent qu’au premium dont le baril a baissé de 42 % en un an. Les radars en ville qui se multiplient ? J’ai été chopé à 32 km/h sur une avenue déserte et large comme une piste d’Orly (vs 30 maxi) et ai rejeté plus de CO2 à insulter ma maire que je n’en aurais économisé en passant à 30. L’Ukraine ? Touchy. Le bitcoin en berne ? Le pivot monétaire ? Le coût de l’énergie en hausse en dépit de la multiplication des bornes ? Sois j’ouvre le feu et vient rapidement à manquer de munitions, soit j’écourte pour vous laisser profiter de 132 pages sur-mesure. Par acquis de conscience, j’avais aussi noté ma recette du tiramisu… 

       Frédéric Lardenois