On s’en bat les « Rhin » ?

Option Auto n°266 (Février / Mars 2024)

Les règles élémentaires interdisant de présenter ses vœux au-delà du 31 janvier, je prends un malin plaisir à les enfreindre pour vous souhaiter une très belle année 2024. Qu’elle puisse être lisible, compréhensible de tous et surtout, apaisante. Comme souvent, ma seule résolution consistera à ne pas en prendre. Se tenir à ses idées est un travail d’endurance et se convaincre que les premiers jours d’une année naissante, noyée dans la grisaille et le froid d’un hiver qu’on nous vend plus rude que jamais (c’est aussi vrai des étés trop chauds, notez bien !), aussi hypocrite qu’offrir des fleurs un 14 février. Si nous nous cherchons, c’est humain, des alibis pour avancer et nous pousser au derrière, les gouvernements de France et de Navarre n’en ont cure. Je n’évoque pas le nôtre qui se plaît à déshabiller Paul pour rhabiller Jacques au risque que l’un et l’autre finissent à poil, mais bien celui de nos voisins d’outre-Rhin. J’avais pour envie de vous commenter, nos essais électriques se multipliant à mesure que l’offre s’étoffe, les ratios de consommation et d’autonomie qui nous sont vendus à coup de pub tapageuse. Et je m’y tiendrai, mais vous livre d’abord l’anecdote qui m’a le plus marqué ces dernières semaines : le ministère de l’économie allemand a brutalement interrompu le versement de sa prime de 4 500 € pour l’achat d’autos électriques. Ce qui, avec une industrie portée sur les fonts baptismaux d’un état fédéral souverain, ne manque pas de sel -ou de charbon, pour suivre la tendance locale-. Je ne jubile pas, les constructeurs allemands représentant à eux seuls une source d’emploi majeure, mais je ris jaune.

Chez nos voisins plus qu’ailleurs, on sert les boulons autant que les fesses. Leurs voitures de demain, seules dont on nous serine qu’elles auront le droit de cité(s) à l’horizon 2030, seront plus chères que les concurrentes américaines et surtout chinoises. Volkswagen, pour ne citer que lui, s’est empressé de reconstruire sa gamme en se substituant à l’état en versant une « prime d’absence de prime », du type de celle que prévoyait la SNCF chez nous pour ses nouveaux entrants… à bien y réfléchir, ne sommes-nous pas tous les joueurs de ce bonneteau à l’échelle européenne ? Un jeu de dupes au cours duquel, vous le savez, un manipulateur roule les badauds. Naïfs car mis en confiance par quelques gains faciles, ils finissent enfin par comprendre le tour et se rebiffer… Mais des complices ne sont jamais loin pour récupérer la mise. Résultat immédiat depuis le 18 décembre ? Près de 50 % de chute pour les EV, 75 % pour les PHEV et ce, malgré un marché haussier soutenu par les essence et le diesel…

La mise en pratique est d’une simplicité biblique : je produis plein de moteurs diesel. Je vous exhorte à acheter lesdits véhicules à grand renfort de rabais tout en majorant les autres carburant. Puis filou, j’augmente le prix du mazout. Le déclare polluant. Dangereux. Incite à penser électrique, lourd, moins pratique et loin de répondre aux besoins. L’arrose de bonus mirobolants, saupoudre d’allégements de taxes pour les sociétés… Et quand le candide y vient, je vire les primes initiales, ajoute une taxe au poids et pour compenser les pertes liées à la mise initiale, écrase les velléités de la concurrence mondiale de faire baisser les prix en protégeant ma production locale. Le système est bien huilé (nous aussi…) mais pas pérenne, puisqu’on ne roulera pas tous en électrique dans 10 ans. Au-delà du vœu pieu, c’est techniquement impossible et financièrement utopique, autant pour le producteur que le consommateur. Lequel, pour ne rien gâcher, se fait balader à grand coup d’aveuglantes promesses. C’est le moment d’y revenir : qui parmi vous sait, à part les piquousés qui aiment tremper leur sandwich triangle dans un café brûlé pendant que leur chignole regagne péniblement de l’autonomie au fond d’une aire glaciale, à quoi correspondent les « 17.5 kWh/100 km » annoncés dans la brochure de leur auto ? Qui dans l’audience connaît par cœur la capacité de sa batterie et surtout, la différence majeure entre puissance brute et nette ?! D’expérience, nos postulats sont les suivants : posez 20 kWh comme barrière psychologique équivalente aux 10 l/100 km d’une thermique. Et comme pour les essence ou les diesel, majorez de 20 % les chiffres annoncés, ou minorez de 20 % l’autonomie déclarée pour avoir un aperçu fidèle de votre rayon d’action en conditions réelles (mixant ville, route et autoroute). Nous l’avons constaté lors de la fabrication de ce numéro 266, l’un des plus denses de ces derniers mois. La fabuleuse Spectre ? 330 km environ par grand froid. L’attachant Defender V8 ? 3.5 litres de plus que prévu. L’ACS2 Sport ? Plus de plaisir qu’espéré ! Seules les hybrides résistent à la piperie : c’est dans leurs rangs que nous dénichons ces temps-ci les engins les plus excitants. Gageons qu’ils seront bientôt taxés pour vous priver du plaisir simple d’en ressentir encore à leur volant… Frédéric Lardenois
 

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